L'album en question : "Untrue" de Burial

En novembre 2007, la scène musicale électronique est ébranlée. L’artiste londonien Burial sort "Untrue", son second album, sur le label emblématique Hyperdub. À cette époque, il n’était qu’un nom murmuré parmi les initiés du dubstep, ce genre sombre et viscéral issu des rues du sud de Londres.

Mais avec cet album, Burial franchit une toute autre étape. Plus qu’un simple produit sonore, "Untrue" est une immersion totale, une lente traversée de paysages urbains à la fois désolants et envoûtants. Imaginez une ville nocturne où les néons clignotent d’une lumière froide, tandis qu’une pluie fine résonne sur les trottoirs vides. C’est exactement ce que cet album raconte : une poésie sonore de la solitude urbaine.

Et pourtant, il ne s’agit pas d’un son purement froid ni mécanique. Chaque morceau capture une forme d’humanité, un désir caché ou une émotion brisée, porté par des samples de voix distordues qui semblent être des fantômes errant dans la nuit.

Un son qui défie les conventions

Dans "Untrue", Burial délaisse les canons du dubstep de son époque. Là où d’autres cherchent des basses massives et des drops écrasants, il choisit une approche minimaliste et subtile. Le rythme est feutré, distant, presque étouffé, mais il est omniprésent, comme une respiration qu’on suit sans s’en rendre compte.

  • Les percussions sont souvent créées à partir de bruits du quotidien : le claquement d’un briquet, ou une porte qui grince.
  • Les voix fragmentées et pitchées évoquent des fragments de conversations ou des instants volés dans la foule.

Un exemple parfait de ce style est le titre "Archangel", véritable pierre angulaire de l’album, où un beat profond sert de toile pour une voix déformée, presque plaintive. Ce morceau, mêlant mélancolie et espoir, est devenu une référence intemporelle non seulement pour le dubstep, mais pour l’électro en général.

L'influence des soundtracks et des jeux vidéo

Burial puise son inspiration dans des médiums souvent ignorés des scènes électro classiques : les bandes-son de jeux vidéo comme Metal Gear Solid ou Silent Hill, mais aussi les OST des films de science-fiction. Cela créé une esthétique résolument narrative et cinématographique.

Chaque morceau semble à la fois raconter une histoire et inviter l’auditeur à projeter la sienne. C’est cette double lecture qui contribue à faire naître une atmosphère si particulière.

Une atmosphère en phase avec son époque

On ne peut parler d’"Untrue" sans le replacer dans son contexte contemporain. À la fin des années 2000, Londres est une ville en mutation. La gentrification gagne du terrain, les clubs underground ferment leur porte, et le sentiment d’effacement d’une culture de la nuit gagne les esprits.

Burial capture parfaitement cette tension. Son travail devient une capsule temporelle des anxiétés et des beautés précaires de l’époque.

Dans l'anonymat, l'écriture de la vérité

Autre point crucial : Burial joue longtemps avec son anonymat, nourrissant sa propre légende par ce mutisme public. Pendant des années, aucune photo officielle. Juste une musique. Et c’est ce silence qui rendait son art d’autant plus fascinant.

L'artiste restera incognito jusqu’en 2014, où il révélera finalement son identité comme étant William Emmanuel Bevan, un Londonien tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Cette distance cultivée n’a fait qu’intensifier la mystique d’"Untrue".

Impact et héritage

Avec le recul, l’impact d’"Untrue" ne fait plus aucun doute. Dès sa sortie, l’album reçoit un accueil critique dithyrambique, obtenant une note presque parfaite de la part d’institutions telles que Pitchfork (9.5/10). Mais surtout, cet album a transcendé les genres et ouvert la musique électronique à une toute nouvelle audience.

De nombreux artistes s’en réclameront par la suite, citant Burial comme une influence majeure. Jon Hopkins, James Blake ou encore Four Tet ont tous, à leur manière, prolongé cette exploration émotionnelle et texturée. Son empreinte est également perceptible dans des genres plus récents comme la post-électro ou les sonorités ambient modernes.

Chiffres et anecdotes

  • Ventes : Alors que les albums électroniques dépassent rarement les ventes confidentielles, "Untrue" finit par totaliser plus de 200 000 exemplaires vendus, un véritable exploit pour un disque d’une telle niche.
  • Nomination : En 2008, l’album est nominé pour le prestigieux Mercury Prize, marquant un tournant pour la reconnaissance institutionnelle de l’électro underground.

Pourquoi « Untrue » reste une légende ?

L’histoire d’"Untrue", c’est celle d’un artiste travaillant dans l’ombre mais dont la lumière, paradoxalement, éclaire les recoins les plus étranges de l’âme humaine. Ce disque, ce n’est pas simplement un album que l’on écoute : c’est une expérience, un miroir teinté où chacun peut projeter ses humeurs.

L’air de rien, Burial a montré qu'une machine peut produire des émotions bien plus authentiques qu’on ne le pense, et que l’électro peut peindre des paysages aussi profonds qu’un tableau impressionniste.

La suite...

Alors, si ce n’est pas déjà fait, branchez vos écouteurs, appuyez sur play et laissez-vous happer par le monde éthéré d’"Untrue". Ce n’est pas juste un album électro, c’est la preuve que le cœur peut battre dans un pad numérique.

Et vous, avez-vous un album qui vous a marqué autant que celui-ci ? Laissez un commentaire, j’aimerais connaître vos coups de cœur.

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